Le détecteur diamant développé à Grenoble est constitué d’une matrice de huit diamants juxtaposés et dont chaque micropiste de 180 µm de large est connectée à une électronique de lecture intégrée.LPSC

Les détecteurs diamant passent le test de la radiothérapie par microfaisceaux X

R&D instrumentation Applications biomédicales

Une équipe du LPSC, en collaboration avec l’Inserm et l’Institut Néel a testé avec succès un nouveau contrôleur de microfaisceaux de rayons X à base de cristaux de diamant. Plus résistante et plus rapide que le traditionnel silicium ou que les chambres à ionisation, cette technologie pourrait s’avérer décisive dans la mise en œuvre d’un protocole original de radiothérapie, associant l’effet « Flash » et un fractionnement spatial micrométrique du faisceau, plus efficace contre les tumeurs et moins générateur d’effets secondaires. Le test, effectué au synchrotron de Grenoble (ESRF), dans le cadre d’un essai clinique vétérinaire sur ce nouveau protocole, a validé le bon fonctionnement du détecteur, qui permet de contrôler la dose déposée dans le patient.

La lutte contre le cancer nécessite souvent des moyens à la pointe de la technologie. Une collaboration du LPSC, de l’Inserm et de l’Institut Néel, le prouve encore en testant avec succès un détecteur conçu sur mesure pour servir dans une nouvelle approche novatrice de la radiothérapie : la radiothérapie par microfaisceaux X intenses dite MRT (microbeam radiation therapy). Ce traitement, qui vise à renforcer l’efficacité de la radiothérapie tout en diminuant ses effets secondaires, passe par l’administration de fortes doses extrêmement brèves et très localisées. Des conditions pour lesquelles les détecteurs classiques en silicium ou les chambres à ionisation gazeuses ne font plus l’affaire : pas assez rapides, ou trop peu résistants, ou pas suffisamment précis spatialement, ou ne permettant pas de mesurer exactement l’énergie déposée dans les tissus vivants. La parade imaginée par les scientifiques est un détecteur composé de diamant. Et pour cause.

Le diamant dispose de nombreux atouts

Le diamant dispose de nombreux atouts. Tout d’abord, du fait de ses propriétés électroniques, il permet de fabriquer des détecteurs générant très peu de bruit de fond en condition normale de lumière ou de température. De plus, les électrons (et leurs homologues positifs dans les semi-conducteurs, appelés trous) se déplacent beaucoup plus vite dans le diamant que dans le silicium, et que les ions dans une chambre à ionisation, permettant donc des prises de données avec des taux de comptage très élevés sans que les porteurs de charge se recombinent, et des signaux très rapides. Mais ce n’est pas tout, le diamant est aussi très résistant aux radiations, car les atomes de carbone sont difficiles à déplacer de leur position dans le cristal, y compris sous l’impact de particules ou de rayonnements. Enfin, le diamant dispose d’une très grande conductivité thermique : il évacue sans mal la chaleur provenant de l’énergie du faisceau entrant.

Des cristaux synthétisés de toute pièce

Cependant, il n’est pas si simple de concevoir un tel détecteur. Premièrement, les diamants utilisés ici ne proviennent pas d’une mine. Ils ont été conçus en laboratoire grâce à une technique spéciale : le dépôt en phase vapeur. Cette méthode de fabrication des diamants consiste à faire « pousser » les cristaux par dépôt sur une surface d’atomes de carbone à partir de gaz comme le méthane, qui est un gaz riche en carbone, ionisé dans un plasma. Cette technique, différente de celle produisant les diamants naturels, permet de fabriquer des diamants chimiquement purs. Cependant, avoir des diamants ne suffit pas, il faut les inclure dans le détecteur. Pour cela, chacun des 8 diamants taillés et polis chez le fabricant a été métallisé en surface à l’Institut Néel sous forme de pistes micrométriques, à l’aide d’une fine couche conductrice permettant de collecter les charges électriques mises en mouvement dans le diamant quand le détecteur fonctionne sous tension électrique. Une électronique reposant sur des circuits imprimés a été développée au LPSC, et disposée autour des diamants afin de mesurer le flot d’information issu des 138 pistes de lecture des cristaux. C’est cette électronique de lecture, ainsi que les qualités exceptionnelles du diamant qui permettent à ce détecteur de monitorer la radiothérapie par microfaisceaux X.

/ Photo montrant l’assemblage des 8 diamants à pistes sur la carte contenant les circuits imprimés (ASIC) et le module d’acquisition (FPGA)
Chaque diamant du détecteur est bardé de micropistes reliées à une électronique de lecture. Ces nombreux circuits imprimés permettent de capter et de traiter les informations venant du détecteur lorsque celui-ci fonctionne. Crédit : LPSC

Radiothérapie par microfaisceaux X

La technique de radiothérapie par microfaisceaux X combine deux effets : l’effet dit « Flash », dans lequel toute la dose nécessaire pour détruire une tumeur est délivrée en une fraction de seconde, et l’effet dit dose-volume : seule une fraction du volume de la tumeur reçoit effectivement une dose importante, par un balayage d’un peigne de minuscules faisceaux de 50 micromètres de large espacés de 400 micromètres. Elle repose donc sur l’utilisation de microfaisceaux de rayons X très intenses. Ces faisceaux délivrent au niveau d’une tumeur une haute dose de radiation mais pendant un temps très court, détruisant les cellules cancéreuses tout en laissant les tissus sains se réparer après irradiation. Souvent, le traitement du cancer repose sur des techniques lourdes qui impactent aussi les tissus sains environnant la tumeur. La radiothérapie ne fait pas exception. Pour limiter les effets délétères, il est nécessaire de limiter au maximum la dose de radiation délivrée pour que les tissus sains aient une meilleure capacité de réparation de leur ADN. Il est donc primordial de mesurer de façon très précise la dose de rayonnement absorbée, et c’est là que le détecteur diamant entre en jeu. Placé en amont et en aval de la tumeur, il est capable de mesurer très précisément l’énergie déposée et donc potentiellement de permettre d’ajuster la dose délivrée selon les besoins du traitement.

En test au synchrotron de Grenoble

Actuellement, ce détecteur est testé au synchrotron de Grenoble (ESRF) dans le cadre d’essais précliniques chez des chiens atteint de tumeurs cérébrales. Seul un capteur est mis en œuvre qui mesure l’énergie déposée après le passage du faisceau dans le patient. La mesure du flux incident doit être effectuée séparément. L’étape suivante consistera à fabriquer un deuxième détecteur diamant dont le rôle sera de quantifier les caractéristiques du faisceau avant pénétration dans les tissus. Cette seconde phase débutera grâce à de multiples soutiens : l’IN2P3 (Master-projet Diamant), l’IDEX de Grenoble (une thèse), et l’INCa (Plan Cancer). Il y aura alors un détecteur en amont du patient et un autre en aval, permettant de vérifier très finement que la bonne dose a bien été délivrée au bon endroit. Le diamant est décidément un bijou à plus d’un titre !

 

L’équipe de physiciens, électroniciens et instrumentalistes impliqués dans la conception du détecteur,au LPSC, avec leurs collaborateurs de STROBE et de la plateforme NanoFab de l’institut Néel.
L’équipe de physiciens, électroniciens et instrumentalistes impliqués au LPSC, avec leurs collaborateurs de STROBE et de la plateforme NanoFab de l’institut Néel. Crédit LPSC

 

Pour en savoir plus :

Contact

Denis Dauvergne
Chercheur au LPSC et directeur du GDR MI2B
Fabien Houy
Chargé de communication à l'IN2P3
Sébastien Incerti
DAS Interdisciplinarité