Premier test réussi à basse énergie pour le détecteur de neutrons MIMAC-512

Développements techniques Physique nucléaire

Une équipe du LPSC (1) a testé avec succès un capteur capable de mesurer l’énergie de neutrons de basse énergie (autour du keV), en deçà de ce que les détecteurs existants permettent. Baptisé MIMAC-512 et inspiré d’une technologie issue de la traque des « hypothétiques » particules de matière noire, il pourrait ouvrir un large champ d’applications.

Le spectromètre neutronique MIMAC-512, développé au sein du laboratoire de physique subatomique et cosmologie (LPSC) à Grenoble, a franchi un cap décisif en réussissant son premier test de mesure de l’énergie de neutrons épithermiques, c’est-à-dire des neutrons de faible énergie, de l’ordre du kilo électronvolt (keV), qu’aucun détecteur n’était en mesure, jusqu’à présent, de caractériser. Dans cette gamme d’énergie, le bruit de fond domine et les détecteurs actuels parviennent tout au plus à les compter. MIMAC-512 marque donc une rupture en permettant de déterminer leur énergie.

Technique de détection de la matière noire

 « MIMAC-512 est issu d’une technique que nous avions développée pour une expérience de détection de matière noire directionnelle, explique Nadine Sauzet, ingénieure au sein du service détecteur et instrumentation du LPSC et impliquée dans le développement du détecteur.  Cette technique est basée sur la détection du recul nucléaire induit lorsqu’un neutron entre en collision avec le noyau d’un gaz. Ce recul emporte une fraction de l’énergie du neutron. Il dépose ensuite son énergie en arrachant des électrons au gaz environnant, ce qui se traduit par un nuage d’électrons tout au long de sa trace. Ce sont les caractéristiques de ce recul qui nous permettent de remonter à l’énergie du neutron incident. » Voilà comment. Un champ électrique fait migrer les électrons vers un capteur plan pixélisé afin de former dessus une image 2D de la trace du recul. Pour remonter à la forme 3D, l’appareil tient compte de l’ordre d’arrivée des électrons et de leur temps de dérive dans le gaz. Il effectue 50 millions de scans de sa surface par seconde afin de dater précisément l’arrivée de chaque électron. L’ensemble de ces informations permet ainsi de déduire l’angle avec lequel le recul a été émis par rapport à la direction du neutron incident et l’énergie que le neutron avait.

Infographie de fonctionnement de MIMAC-512
Lorsqu’un neutron traverse l’enceinte métallique du détecteur MIMAC-512, comme dans un jeu de bille, il peut propulser un noyau d’hélium (recul nucléaire) avec un angle et une énergie que l’appareil va pouvoir mesurer. Le recul nucléaire ionise le gaz le long de sa trajectoire, ce qui libère des électrons. Ces électrons migrent sous l’effet d’une différence de potentiel et, après avoir été amplifiés, rejoignent un capteur pixélisé qui enregistre leur position et le timing de leur arrivée. L’ensemble de ces observations permet de remonter à la forme 3D de la trajectoire du recul d’hélium et d’en déduire l’énergie du neutron incident.

Testé sur l’installation AMANDE de l’IRSN

MIMAC-512 fait l’objet d’une collaboration avec l’IRSN (2). Il a été testé dans un faisceau de neutrons mono-énergétiques de 8 keV résultant de la réaction 45Sc(p,n) sur l’installation AMANDE (Accélérateur pour la métrologie et les applications neutroniques en dosimétrie externe) du Laboratoire de micro-irradiation, de métrologie et de dosimétrie des neutrons (LMDN) de l’IRSN. « Le détecteur a bien fonctionné et a pu retrouver l’énergie des neutrons produits, ce qui est très encourageant. La prochaine étape est le développement d’une installation métrologique produisant des neutrons épithermiques à haut flux, puis sa caractérisation avec MIMAC-512», précise Nadine Sauzet.

Profils X, Y et Z de l'arrivée des électrons
Trace en 3D d’un recul d’énergie cinétique de 8 keV avec son profil temporel d’énergie déposée en ionisation dans le milieu gazeux.
Image : LPSC IN2P3
Spectre en énergie du faisceau incident de neutrons
Spectre mesuré du faisceau neutronique mono-énergétique de 8 keV de l’installation AMANDE.
Image : LPSC IN2P3

Il y a bon espoir que les choses avancent. La conception d’installations produisant des champs neutroniques épithermiques de quelques keV, dans une région où les sections efficaces varient rapidement avec l’énergie, suscite un intérêt grandissant. En métrologie par exemple pour calibrer des dosimètres, ou encore en physique médicale dans le cadre de la mise en œuvre de nouvelles thérapies. Cette démonstration du fonctionnement de MIMAC-512 ouvre de nouvelles perspectives pour la caractérisation de l’installation de référence que le LMDN conçoit actuellement autour de son accélérateur T400 en collaboration avec le LPSC.

 

(1) Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC)

(2) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Contact

Eduardo Daniel Santos
Chercheur au LPSC
Nadine Sauzet
Ingénieure dans le service détecteur et instrumentation du LPSC
Arnaud Lucotte
DAS Accélérateurs, détecteurs et technologies
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3