Isabelle Ripp-Baudot
"Des liens existent depuis plus de 15 ans entre IN2P3 et KEK" Isabelle Ripp-Baudot, chercheuse à l'IPHC et co-directrice du LIA TYL/FJPPL Image Nicolas Busser IPHC/IN2P3

L'IN2P3 crée un laboratoire international avec KEK au Japon

Entretien Institutionnel Physique des particules

Le 9 mai 2023 , à l’Université Ochanomizu de Tokyo au Japon, en marge du Workshop annuel des Laboratoires internationaux Associés (LIA) TYL/FJPPL et FKPPL, Masanori Yamauchi, directeur de KEK a officiellement signé, en présence d’Ursula Bassler, Directrice adjointe scientifique de l’IN2P3, la convention de création d’un laboratoire de recherche international (IRL) unissant l’IN2P3 et KEK. La nouvelle structure sera hébergée à KEK dans la ville universitaire de Tsukuba au nord de Tokyo et sera conjointement dirigée par Karim Trabelsi (IJCLab) et Shoij Hashimoto (KEK). Isabelle Ripp Baudot chercheuse à l'IPHC, directrice du LIA TYL/FJPPL et à l’origine de la création de l’IRL nous en dit plus.

Pourquoi créer cet IRL avec KEK ?

Le laboratoire KEK est un interlocuteur important de l’IN2P3. Il s’agit d’une organisation interuniversitaire ayant pour mission de soutenir la recherche en physique des particules au Japon. Des liens forts existent depuis plus de 15 ans avec l’IN2P3, notamment un laboratoire associé international (ancien LIA du CNRS, équivalent aujourd’hui d’un réseau international de recherche IRN) a été créé en 2006, le France-Japan Particle Physics Laboratory (FJPPL), baptisé plus tard le Toshiko Yuasa France-Japan Particle Physics Laboratory. Cet intérêt pour le Japon et pour KEK est motivé par la présence au Japon d’expériences et d’équipements de pointe en physique des particules, notamment en physique des saveurs de quarks et de leptons, et en physique des accélérateurs. Nous pouvons citer notamment l’expérience Belle II, qui enregistre des collisions auprès du collisionneur le plus lumineux au monde, le collisionneur électron-positron SuperKEKB. La très haute luminosité est réalisée grâce à un nouveau procédé de collisions de nano-faisceaux.

Quel est le nom officiel de l’IRL et pourquoi ?

Le laboratoire s’appellera TYL, pour Toshiko Yuasa Laboratory. C’est un hommage à Toshiko Yuasa, qui a été la première étudiante en physique au Japon, dans les années 1930. Toshiko Yuasa a ensuite travaillé avec Frédéric Joliot-Curie au Collège de France en 1940, puis elle a rejoint l’IPN Orsay en tant que chercheuse au CNRS en 1949, tout en menant aussi des recherches au Japon. Elle a donc initié la collaboration en physique subatomique entre nos deux pays. Elle symbolise aussi l’importance que nous accordons à la promotion des carrières des physiciennes, particulièrement au Japon qui compte malheureusement très peu de physiciennes des particules.

Quels seront les champs de recherche de cette IRL ?

Le thème principal de ce nouveau laboratoire est la recherche de processus au-delà du modèle standard de la physique des particules. L’accent est mis en premier lieu sur la physique des saveurs et la physique des accélérateurs avec l’expérience BelleII auprès du collisionneur SuperKEKB. Mais de façon générale, le laboratoire couvrira : la frontière de l’intensité, avec les expériences Belle II,  COMET et les neutrinos ; la frontière de l’énergie, avec les expériences ATLAS et le projet de future usine à Higgs ; la frontière cosmologique avec l’expérience LiteBIRD ; et les développements reliés en théorie, en instrumentation et en physique des accélérateurs.

Quelle sera la fonction de cet IRL ?

Le TYL permettra à des chercheurs et des chercheuses du CNRS d’entreprendre des séjours longs, d’un an et plus, sur place au KEK et de mener de réelles recherches conjointes avec leur collègues Japonais. L’appartenance à un même laboratoire devrait faire émerger de nouveaux projets, améliorer la visibilité des recherches conjointes et donner accès à de nouvelles opportunités de financement. La possibilité de séjours longs au KEK est d’autant plus importante dans le contexte des réductions des voyages en avion, induites par la dégradation du climat, l’augmentation des coûts de l’énergie et les crises politiques et sanitaires.

De quel budget bénéficiera-t-il ?

Comme tout laboratoire de l’IN2P3, le TYL bénéficiera de soutiens de base alloués par l’IN2P3 et par la co-tutelle sur site, ici il s’agit donc d’une co-tutelle japonaise, le KEK. Ce budget permettra principalement de mener l’animation scientifique du laboratoire, et de pourvoir aux besoins de base du laboratoire et de la direction. Par ailleurs les personnels IN2P3 de ce laboratoire seront soutenus comme d’habitude par leur DAS dans le cadre de leurs master-projets, alors que KEK financera les scientifiques KEK également affectés à ce laboratoire. Enfin, tous les personnels du TYL seront considérés à la fois comme Japonais et comme Français pour ce qui concerne les appels d’offres nationaux ou régionaux. Ils pourront notamment tous soumettre des projets auprès de l’ANR, de la JSPS, de l’Europe, etc.

Il y a également une IRN qui est créée, pourquoi cette double structure administrative ?

Exactement comme un laboratoire CNRS situé en France, le TYL ne peut avoir que deux cotutelles, le CNRS au niveau national et une tutelle locale. La création d’une IRN, le France-Japan Particle Physics Network (FJPPN) permet de pérenniser la collaboration historique franco-japonaise qui incluait jusqu’à présent nos collègues de l’Irfu au CEA, dans le cadre de l’ancien FJPPL. Le FJPPN continuera ainsi à mener les nombreuses actions initiées par le FJPPL, comme l’organisation de masterclasses pour les jeunes lycéennes japonaises (Rikejo Camp), l’attribution de prix Jeune Chercheur et chercheuse, la médaille Toshiko Yuasa couronnant la carrière d’une chercheuse japonaise attribuée conjointement avec l’université d’Ochanomizu de Tokyo, l’aide à l’échange d’étudiants et d’étudiantes entre la France et le Japon, et bien-sûr l’appel à projets. Le soutien aux recherches collaboratives entre l’IN2P3 et KEK permettra de faire émerger des projets de séjours longs à KEK.

Qui peut rejoindre cet IRL, à partir de quand et comment ?

TYL ouvrira ses portes le 1er août 2023. Toute personne ayant un projet de recherche dans le périmètre du TYL pourra envisager un séjour longue durée pour faciliter ses recherches. Il faudra, le cas échéant, contacter le DAS concerné, en particulier Laurent Vacavant pour la physique des particules, et le directeur de l’IRL, Karim Trabelsi, pour en parler.

Contact

Isabelle Ripp-Baudot
Chercheuse en physique des particules à l'IPHC (Strasbourg)
Ursula Bassler
Directrice adjointe scientifique "Laboratoires, ANR et Europe"
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3