L’équipe projet de l’accélérateur ESS récompensée du cristal collectif du CNRS 2025

Distinctions

Alors qu’à Lund, en Suède, l’accélérateur linéaire de protons du futur centre de neutronique européen ESS fait ses premiers tirs, le CNRS décerne un cristal collectif à douze femmes et hommes, ingénieurs de recherche, ingénieurs d’étude, assistants ingénieur et techniciens du pôle accélérateurs et du pôle ingénierie du laboratoire IJCLab (1) (CNRS – Université Paris Saclay) pour leur contribution majeure à la réussite de cette machine hors norme.

Infrastructure de neutronique ESS en Suède
Site de l’infrastructure ESS à Lund. Le long bâtiment en premier plan abrite l’accélérateur linéaire de protons de 600m de long auquel a contribué les équipee des Pôles accélérateurs et ingénierie d’IJCLab, récompensée du Cristal collectif 2025. Crédit : Michael Gartner/Gartner Film

 

ESS est un centre de neutronique flambant neuf et son accélérateur de protons, long de 600 m, en fera la source de neutrons la plus puissante au monde, quand l’installation sera totalement finalisée en 2026. Financé par 13 pays dont la France, ESS fournira des faisceaux de neutrons pour la recherche fondamentale et appliquée.

La contribution française à ce vaste ensemble a porté principalement sur la fourniture de composants essentiels de l’accélérateur linéaire de protons de forte puissance. Elle a été confiée au CEA et au CNRS qui disposent tous d’eux d’une expertise complémentaire et mondialement reconnue dans ce domaine. Au sein du CNRS, c’est le « Pôle accélérateurs » d’IJCLab qui détient ce savoir-faire très particulier, acquis et enrichi depuis des décennies à travers la mise en place d’expériences de physique des particules ou de physique nucléaire, mais aussi, régulièrement, de projets interdisciplinaires comme ESS.

Accélérer des protons jusqu'à 96,2% de la vitesse de la lumière

Pour l’accélérateur du centre de neutronique, l’équipe d’IJCLab a fourni une portion intermédiaire de 56 mètres de l’accélérateur de protons. Il s’agit de la première des trois portions supraconductrices de l’accélérateur, celle qui porte les paquets de protons de 90 MeV à 216 MeV. Les protons sont en effet dépourvus d’énergie au départ et progressivement accélérés jusqu’à l’énergie de 2 GeV (1 milliard de fois l’énergie initiale). À sa sortie, le faisceau de protons aura atteint 96,2% de la vitesse de la lumière et sera porteur d’une énergie équivalent à 5 MW, concentrée dans un diamètre de 2 mm.

Accélérateur linéaire de protons d'ESS
Enfilade des 13 cryomodules conçus par l’équipe d’IJCLab et installés dans l’accélérateur linéaire d’ESS. Chaque cryomodule abrite 2 cavités accélératrices supraconductrices Spoke refroidies à 2K. À chaque étape de la chaîne, les protons gagnent en énergie. Ils atteignent 96,2% de la vitesse de la lumière en bout de chaîne. Crédit : ESS

Plus en détails, l’équipe d’IJCLab a dirigé la réalisation d’un ensemble de 26 cavités accélératrices de type Spoke. Ces éléments, qui à première vue ressemblent à de grosses bombonnes, ont en fait une géométrie d’une extrême complexité en plus d’être construits en niobium un métal supraconducteur. Elles ont été optimisées spécialement pour le Linac (contraction d’accélérateur linéaire) d’ESS et produisent à l’intérieur un champ électrique accélérateur de 9 million de volts par mètre. En traversant toutes ces cavités les unes après les autres, les paquets de protons accélèrent donc par bonds successifs. 

Un fonctionnement à 2K et une fréquence métronomique

L’ensemble de ces cavités Spokes est réparti par paires dans 13 cryomodules, de grandes enceintes à vide de 1,5 tonne où la température des cavités est maintenue proche du zéro absolu (2K) pour maintenir l’état supraconducteur. D’autre part, chaque cryomodule est associé à un coupleur de puissance qui transmet sous forme de radiofréquences la puissance électrique (400 kW) aux cavités Spoke à une fréquence métronomique grâce à un dernier système dit « système d’accord ». Pour finir, l’équipe a eu en charge la conception, la construction et l’installation de l’ensemble de la distribution cryogénique de la section accélératrice Spoke.

Préparation d'une cavité accélératrice en salle blanche
Cavité accélératrice Spoke en préparation dans la salle blanche de la plateforme SUPRATech à IJCLab. Aucune impureté n’est tolérée dans ces cavités qui doivent être d’une propreté impeccable pour fonctionner. Crédit : Patrick Dumas pour le CNRS
Vérification d'une cavité accélératrice
Réception et contrôle de cavités ESS à IJCLab. Crédit : Patrick Dumas pour le CNRS

La réalisation de ce système d’une extrême complexité s’est étalée sur près de 15 ans. Tout a commencé par plusieurs années de conception et de prototypage. Puis, l’équipe d’IJCLab a pris en charge l’ensemble des phases de préparation et tests des composants critiques de série ainsi que l’assemblage final des 13 cryomodules. S’en est suivi une longue phase de préparation des cavités Spoke, des coupleurs de puissance et des systèmes d’accord pour les tester au sein de la plateforme SUPRATech du laboratoire. 

Des performances 30% au-dessus des spécifications

À la grande satisfaction de tous, les performances des cavités accélératrices se sont révélées remarquables : « elles dépassent de plus de 30% les spécifications demandées par ESS en termes de gradient accélérateur. Et cela pour toutes les cavités, précise Guillaume Olry, directeur adjoint du Pôle accélérateurs d'IJCLab et chef de projet ESS. Avoir cette qualité à ce point reproductible sur toutes les cavités montre que le travail réalisé par l'équipe est d'une très grande qualité. »

Passé ces premières étapes, chaque cryomodule a été ensuite envoyé par camion à l’Université d’Uppsala, en Suède, pour être testé dans les conditions réelles de fonctionnement. Après validation de leurs performances, les 13 cryomodules ont rejoint le site d’ESS, pour être installés dans le tunnel accélérateur dès 2023. L’installation de l’ensemble de l’accélérateur s’est achevée fin 2024 et les cryomodules Spoke ont accéléré avec succès leurs premiers faisceaux de protons en mai 2025 : ce jalon majeur du projet d'accélérateur linéaire, nommé « Beam on Dump », consiste à faire circuler un faisceau de très faible puissance d'un bout à l'autre de l'accélérateur linéaire jusqu'à une cible de cuivre qui va l'absorber. C’est donc une double récompense qui couronne le succès de ce vaste projet avec, à la fois sa mise en service et le cristal collectif décerné aujourd’hui par le CNRS.

(1) initialement le projet a été porté par la Division accélérateurs de l’IPNO (Institut de physique nucléaire d’Orsay) aujourd’hui fusionné au sein d’IJCLab.

Equipe IJCLab lauréate du cristal collectif du CNRS 2025
L'équipe lauréate du cristal collectif du CNRS 2025 pose devant un cryomodule avec le portrait de Sébastien Bousson, grand architecte du projet d'accélérateur SPOKE ESS et décédé en 2022. Image : Laurent Ardhuin pour le CNRS

Sont récompensés par ce cristal collectif :

Sébastien BOUSSON  (à titre posthume), Guillaume OLRY, Patxi DUTHIL, Denis REYNET, Sylvain BRAULT, Gilles OLIVIER, Nicolas GANDOLFO, Virginie QUIPOURT, Sylvie DURAND, Frédéric CHATELET, Matthieu PIERENS et Patricia DUCHESNE.

 

Hommage à Sébastien Bousson :

Sébastien Bousson nous a quittés prématurément en 2022 et ne pourra malheureusement pas s’enorgueillir de ce cristal collectif. Il était le grand architecte du savoir-faire d’IJCLab et de l’institut CNRS Nucléaire & Particules dans le domaine des cavités accélératrices supraconductrices pour les accélérateurs de particules linéaires. 

Contact

Arnaud Lucotte
DAS Accélérateurs, détecteurs et technologies
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication CNRS Nucléaire & Particules