Le projet de science participative Kilonova-Catcher remporte le prix Gemini de la SAF/SF2A
La Société Astronomique Française et la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique ont décerné le prix Gemini à « Kilonova-catcher », un projet permettant aux astronomes amateurs de contribuer à la collecte de données associées aux phénomènes violents de l’Univers lointain. Ce prix, attribué tous les ans à des projets rassemblant astronomes professionnels et amateurs, récompense non seulement l’équipe du projet, impliquant trois instituts du CNRS, mais aussi les plus de 200 astronomes amateurs y contribuant.

Cinq ans après sa création, le projet de science participative Kilonova-catcher (KNC) porté par Sarah Antier, astrophysicienne au CNRS, Damien Turpin, chercheur au CEA et Arnaud Leroy, astronome amateur de l’Uranoscope d’Ile de France, reçoit une première consécration à l’échelle de ses ambitions : la Société Astronomique Française (SAF) et de la Société française d’astronomie et d’astrophysique (S2AF)1 lui ont décerné le prix Gemini. Ce prix récompense tous les ans des initiatives réunissant astronomes amateurs et professionnels autour de projets communs. « C’est un honneur d’avoir reçu cette distinction se félicite Sarah Antier. Elle met en lumière cette astronomie sur alertes, qui nécessite des observations à la volée de par le monde à n’importe quel moment, et implique donc l’ensemble des amateurs du globe. »
Un projet participatif autour de l'astronomie multi-messagers
Né de la volonté de Sarah Antier et du professeur universitaire Alain Klotz d’impliquer la communauté internationale d’astronomes amateurs dans le domaine naissant de l’astronomie multi-messagers, ce projet financé par le CNRS (à travers les instituts CNRS Nucléaire & Particules, CNRS Terre & Univers et CNRS Ingénierie), le CEA/Irfu, l'Université Paris Cité, l'Université Paris-Saclay et l'Observatoire de la Côte d'Azur, a en effet permis à plus de 200 astronomes amateurs à travers le monde d’être associés à des publications scientifiques à comités de lecture dans ce domaine. Au-delà de l’aspect participatif, KNC est un véritable atout scientifique pour l’astronomie multi messagers, un jeune champ de recherche qui a besoin de tous les yeux disponibles pour scruter le ciel à la recherche de signaux éphémères.

L’astronomie multi-messagers vise à étudier les phénomènes transitoires extrêmes (telles que les fusions d’étoiles à neutrons) au prisme de la multitude de signaux qu’ils émettent à travers l’Univers, des ondes gravitationnelles au rayonnement électromagnétique en passant par les particules à haute énergie. Problème : une fois le premier signal d’ondes gravitationnelles détecté par les collaborations LIGO/Virgo/KAGRA, il est difficile pour les quelques grands télescopes terrestres de retrouver les contreparties lumineuses dans l’immensité du ciel, les ondes gravitationnelles ne donnant que très peu d’informations sur la localisation du signal. De plus, les phénomènes observés étant par nature éphémères, les astronomes ne disposent que de très peu de temps pour espérer capter un signal lumineux.
Documenter des phénomènes transitoires rares
Le projet KNC contribue à relever ce défi en impliquant des astronomes du monde entier. Les volontaires amateurs, rassemblés au sein d’un réseau virtuel coordonné par Damien Turpin du CEA/Irfu, reçoivent régulièrement des informations sur les alertes astrophysiques en cours accompagnées de plans personnalisés les guidant dans leurs observations du ciel à la recherche de kilonovæ (les sursauts lumineux issus de la fusion d’étoiles à neutrons) mais aussi, depuis 2024, de sursauts gamma et de supernovæ. Les images et résultats de photométrie et spectroscopie issus de ces observations, analysés par des astronomes professionnels, ont contribué à des résultats scientifiques et ont permis de documenter des phénomènes transitoires rares tels que la supernova SN2023wrk. Cette supernova ressemblait à une sous-classe des supernovae, le type 1999aa, qui présente de fortes raies d’absorption en carbone aux premiers instants. Un cas particulier, parmi d'autres, qui posent un défi à la standardisation des supernovae de type Ia.
La remise du prix Gemini à KNC le 4 juillet 2025 à Toulouse intervient alors que l’équipe du projet travaille à l'élargissement de ses activités, vers davantage de formation et d'éducation. KNC propose d’ores et déjà des guides et des formations pour accompagner les astronomes amateurs dans la réduction et l’analyse de leurs propres données. « Nous sommes fiers que les astronomes amateurs soient co-auteurs de nos publications au même titre que les scientifiques explique Sarah Antier. Au fil des ans, les amateurs prennent part à des activités au-delà de la prise de données comme les stratégies d’observation que nous mettons conjointement en place mais aussi contribuent grandement aux analyses de leurs propres images. Certains vont même jusqu’à mener des investigations scientifiques complètes à partir de l’ensemble des données recueillies. C’est cette démarche de co-construction que nous souhaiterions renforcer et élargir. Nous envisageons notamment d’ouvrir notre programme à des lycées, en leur permettant d’accéder à distance à des télescopes pour lesquels nous disposons de temps d’observation. Les élèves pourraient ainsi acquérir des données, les exploiter eux-mêmes, et s’initier concrètement à la démarche scientifique – une façon d’éveiller des vocations et de rendre l’astronomie plus accessible. »
- 1 la SAF s’adresse principalement aux astronomes amateurs, diffusant la pratique auprès du public, tandis que la S2AF regroupe les professionnels de l’astronomie et de l’astrophysique.