Il y a 10 ans, une nouvelle fenêtre s’ouvrait sur l’Univers
Le 14 septembre 2015, pour la première fois dans l’histoire de l’astronomie, des scientifiques ont détecté le signal de la fusion cataclysmique de deux trous noirs. Invisible à l’œil nu, inaudible à l’oreille humaine, cet événement dantesque aurait dû passer totalement inaperçu. Sauf que, depuis peu, de gigantesques détecteurs d’un nouveau genre veillaient. Ce qu’ils cherchaient ? Un infime signal jamais vu auparavant et prédit 100 ans plus tôt par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale : la vibration de l’espace-temps générée par la ronde des trous noirs en train de fusionner. Un phénomène baptisé : ondes gravitationnelles. Le 14 septembre 2015, avec la première détection de ces ondes, une nouvelle astronomie est née. 10 ans après, elle tient toutes ses promesses. Explications.

Il y a dix ans, le 14 septembre 2015, deux gigantesques détecteurs américains de l’expérience internationale LIGO (Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory), enregistraient un signal imperceptible : le vestige d’une collision cataclysmique entre deux trous noirs, chacun d’une masse équivalente à plusieurs dizaines de Soleils. L’événement s’était produit plus d’un milliard d’années auparavant, dans une galaxie lointaine, mais son écho venait tout juste de nous atteindre. Invisible à l’œil nu, inaudible à l’oreille humaine, ce signal confirmait pour la première fois, de manière directe, l’existence des ondes gravitationnelles, une prédiction formulée un siècle plus tôt par Albert Einstein comme conséquence de sa théorie de la relativité générale. Cette détection historique marquait surtout l’avènement d’une nouvelle astronomie.
Nouvelle fenêtre sur l’Univers
Et pour cause ! Pour la première fois les scientifiques observaient un événement cosmique à travers la déformation gravitationnelle de l’espace-temps qu’il génère et cela signifiait qu’ils allaient désormais percevoir l’Univers à travers une troisième et nouvelle fenêtre. Jusqu’à présent ils s’appuyaient essentiellement sur les ondes électromagnétiques (rayons X, lumière visible, ondes radio etc.) mais aussi sur les particules de haute énergie comme les rayons cosmiques et les neutrinos. Avec les ondes gravitationnelles, ils allaient pouvoir accéder à une foule de nouvelles informations jusque-là inaccessibles, sur la structure des astres compacts, comme les étoiles à neutrons et les trous noirs, mais aussi sur le comportement de la matière soumise à des contraintes trop extrêmes pour être testées en laboratoire, ou encore étudier les populations de trous noirs, leur nombre, leur taille, leur origine... Pour cette avancée majeure dont la quête avait débuté il y a plus de 40 ans, trois des fondateurs de l’expérience LIGO ont remporté le prix Nobel de physique en 2017 : Rainer Weiss (MIT - décédé récemment à l’âge de 92 ans), Barry Barish et Kip Thorne (Caltech).
Une découverte internationale
Aussi « américaine » qu’elle puisse paraître, cette grande première reste néanmoins la victoire d’une large communauté scientifique dans laquelle les Européens occupent, depuis la première heure, une place de choix. Le détecteur européen Virgo est en effet déjà sur les rangs à cette époque pour tenter de capter ces ondes gravitationnelles et les scientifiques européens sont à pied d’œuvre avec leurs collègues américains de la collaboration internationale LIGO-Virgo pour débusquer ces manifestations dans les données enregistrées par les interféromètres.

L’implication européenne remonte au début des années 1980 quand les deux physiciens visionnaires, le Français Alain Brillet (médaille d’or du CNRS en 2017 avec le physicien théoricien de la gravitation Thibault Damour) et l’Italien Adalberto Giazotto, ont imaginé un détecteur d’une ampleur inédite : un interféromètre géant, doté de deux bras de trois kilomètres de long positionnés à angle droit et traversés d’un bout à l’autre par un faisceau laser. Baptisé Virgo, en référence à l’amas de galaxies de la Vierge — une distance-limite qu’ils espéraient atteindre et qu’ils ont depuis largement dépassée — le détecteur obtient en 1989 le soutien du CNRS et de l’INFN italien et voit le jour à Cascina, près de Pise, non loin du lieu où Galilée avait mené ses expériences fondatrices sur la chute des corps. En 2003, le détecteur entre en service, sous l’égide de l’Observatoire européen pour la gravitation (EGO) créé pour gérer l’infrastructure. La France et l’Italie, pionnières, ont depuis été rejointes par les Pays-Bas et la Belgique. Comme pour ses homologues de LIGO, les premières configurations du détecteur Virgo manquent de sensibilité et, en 2015, le détecteur n’avait pas encore atteint son potentiel actuel quand les premières ondes gravitationnelles ont été captées par les instruments américains qui venaient de conclure leur phase de jouvence.
2017 : naissance de l’astronomie multi-messagers
Passée la première détection, les premiers pas de l’astronomie gravitationnelle sont d’abord prudents. En trois ans seuls quelques événements sont repérés par les interféromètres de la collaboration. Mais l’été 2017 marque un tournant historique. Virgo rejoint officiellement LIGO dans la prise de données et, en l’espace de trois jours, deux découvertes majeures surviennent. D’abord GW170814, première fusion de trous noirs observée par trois détecteurs. Puis, surtout, GW170817, la fusion de deux étoiles à neutrons. Le signal est si net que les collaborations parviennent à localiser précisément la source dans le ciel, permettant à des dizaines de télescopes de braquer leur regard vers la région indiquée et de détecter la lueur d’une kilonova. Pour la première fois, une même catastrophe cosmique était observée à la fois via les ondes gravitationnelles et le rayonnement lumineux, scellant ainsi la naissance de l’astronomie multi-messagers avec ondes gravitationnelles. L’événement est si marquant qu’il est cité dans les attendus du prix Nobel de physique 2017.
Plus de 300 fusions de systèmes binaires de trous noirs détectées
La campagne de prise de données « O2 » de 2016-2017, permet au total porte le nombre de signaux détecté à une dizaine, marquant une accélération nette des détections qui va aller en s’amplifiant. Lors du run O3 (2019-2020), malgré une interruption due à la pandémie de Covid-19, le taux de détection passe à deux par semaine en moyenne. Le nombre d’événements détectés passe à près de 90. Le cycle O4, entamé quant à lui en 2023, se poursuit encore, mais il a permis d’accumuler plus du double d’événements que toutes les autres campagnes réunies. Au total plus de 300 fusions de systèmes binaires de trous noirs ont été enregistrées, dont la plupart ont déjà été confirmées – tandis que d’autres attendent la validation d’une analyse plus approfondie. Actuellement les scientifiques observent environ une fusion de trous noirs tous les trois jours.

Quatre détecteurs dans le monde
Il existe quatre détecteurs d’ondes gravitationnelles actuellement, qui fonctionnent de manière coordonnée et qui forment le réseau de détection LIGO – Virgo – KAGRA (LVK). Il y a les deux détecteurs de surface longs de quatre kilomètres de LIGO aux Etats-Unis, à Hanford, dans l’État de Washington, et à Livingston, en Louisiane, le détecteur de trois kilomètres Virgo en Italie et le détecteur sous-terrain de trois kilomètres KAGRA au Japon. Ces instruments de mesure restent de loin les plus précis jamais élaborés sur Terre car les distorsions spatio-temporelles induites par les ondes gravitationnelles sont incroyablement petites : elles proviennent de très loin dans l’Univers et nous arrivent donc très atténuées. Pour bien comprendre cette mesure, il faut se figurer qu’une onde gravitationnelle est semblable à une vague parcourant la surface de l’eau, sauf que la vague est ici une infime déformation de l’espace-temps qui se propage à la vitesse de la lumière. Son passage modifie donc les distances l’espace d’un instant, et c’est précisément cette distorsion que les interféromètres géants cherchent à ressentir. Ils utilisent pour cela un faisceau laser qu’ils divisent en deux avant de l’envoyer faire des aller/retours dans chacun de leurs deux bras perpendiculaires, à l’aide d’un système complexe de miroirs quasi parfaits. Lorsqu’une onde gravitationnelle passe, les deux bras du détecteur s’allongent et se contractent en sens opposés. La différence de longueur, sur les trois kilomètres des bras, est infinitésimale, dix mille fois plus petite que le diamètre d’un proton, mais elle est suffisante pour créer un décalage perceptible entre les deux faisceaux laser. Toute la difficulté est ensuite d’arriver à discerner ce chuchotement de l’Univers du vacarme des autres bruits ambiants, sismiques, thermiques ou encore électroniques. Pour cela, les détecteurs sont bardés de mécanismes de contrôle et de systèmes d’atténuation de tous les bruits possibles, depuis celui des vagues heurtant le rivage à une vingtaine de kilomètres de Virgo, aux chocs des photons qui rebondissent sur les miroirs. Cette chasse au bruit est d’ailleurs aux fondements de la réussite de cette science, car c’est elle qui a permis, progressivement, d’améliorer la sensibilité des interféromètres jusqu’à les rendre suffisamment sensibles pour discerner les signaux cosmiques et d’en détecter aujourd’hui jusqu’à deux par semaine.

Des milliers de scientifiques mobilisés
Plus d’un millier de scientifiques sont mobilisés de par le monde pour faire fonctionner ces détecteurs 24h/24 7j/7, les faire progresser et en exploiter les résultats. « Analyser les données provenant des détecteurs pour capter des signaux astrophysiques transitoires, envoyer des alertes pour déclencher des observations de suivi à partir de télescopes ou publier des résultats physiques en rassemblant des informations provenant au final de centaines d'événements… C’est un processus assez long ! », ajoute Nicolas Arnaud, chercheur à l’IP2I (CNRS/UCB Lyon 1) et coordinateur pour Virgo de la quatrième campagne d’observations LIGO-Virgo-KAGRA. Parmi les nombreuses étapes complexes qu'exige un tel cadre, je vois les humains derrière toutes ces données, en particulier ceux qui sont d’astreinte à tout moment et qui surveillent nos instruments. Il y a des scientifiques LVK dans toutes les régions du monde, poursuivant un objectif commun : détecter toujours plus d’ondes gravitationnelles. Le soleil ne se couche littéralement jamais au-dessus de nos collaborations ! »
« Le réseau mondial LVK est essentiel à l'astronomie des ondes gravitationnelles », ajoute Gianluca Gemme, porte-parole de Virgo et directeur de recherche à l'INFN (Istituto Nazionale di Fisica Nucleare). « Avec trois détecteurs ou plus fonctionnant à l'unisson, nous pouvons localiser les événements cosmiques avec une plus grande précision, extraire des informations astrophysiques plus riches de nos découvertes et permettre des alertes rapides pour un suivi multi-messagers. Virgo est fier de contribuer à cet effort scientifique mondial. »
Un bestiaire de fusions très éclectique
Outre les événements extraordinaires rappelés plus hauts et les nombreuses fusions de trous noirs, parmi les autres découvertes scientifiques de la collaboration LVK, citons la première détection d’une collision entre une étoile à neutrons et un trou noir ; des fusions asymétriques, dans lesquelles le trou noir le plus lourd est nettement plus massif que l’astre compact partenaire; la découverte des trous noirs les plus légers connus, remettant en question l'idée qu'il pourrait exister un « écart de masse » entre les étoiles à neutrons les plus lourdes et les trous noirs les plus légers; et la fusion la plus massive de trous noirs jamais observée : 225 masses solaires. À titre de comparaison, le précédent détenteur du record de la fusion la plus massive avait une masse combinée de « seulement » 140 masses solaires.
La suite déjà en préparation
Dans les années à venir, les scientifiques de LVK espèrent affiner encore les réglages de leurs machines, afin d'étendre leur portée toujours plus loin dans l'espace et de détecter des signaux toujours plus ténus. Ils prévoient également d'utiliser les connaissances acquises pour construire un autre détecteur d'ondes gravitationnelles, un troisième instrument LIGO en Inde. À plus long terme, les scientifiques travaillent sur des concepts de détecteurs encore plus grands, dits de « troisième génération ». Le projet européen, appelé Einstein Telescope, prévoit la construction d'un ou deux énormes interféromètres souterrains avec des bras de plus de 10 kilomètres. Le projet américain, appelé Cosmic Explorer, serait similaire à l'actuel LIGO, mais avec des bras de 20 et 40 kilomètres de long en surface. Des observatoires de cette envergure permettraient aux scientifiques de capter les premières fusions de trous noirs dans l'Univers et, éventuellement, l'écho des secousses gravitationnelles des tout premiers instants de notre Univers.

« C'est une période extraordinaire pour la recherche sur les ondes gravitationnelles : grâce à des instruments tels que Virgo, LIGO et KAGRA, nous pouvons explorer un univers obscur qui était auparavant totalement inaccessible », déclare Massimo Carpinelli, professeur à l'université de Milan-Bicocca et directeur de l'Observatoire gravitationnel européen à Cascina. « Les avancées scientifiques de ces dix dernières années sont en train de révolutionner notre vision de l'Univers. Nous préparons déjà une nouvelle génération de détecteurs tels que Einstein Telescope en Europe et Cosmic Explorer aux États-Unis, ainsi que l'interféromètre spatial LISA, qui nous permettront d'aller encore plus loin dans l'espace et donc de remonter encore plus loin dans le temps. Dans les années à venir, nous serons certainement en mesure de relever ces défis extraordinaires grâce à une coopération de plus en plus large et solide entre les scientifiques, les différents pays et les institutions, tant aux niveaux européen que mondial. » Dix ans après, la nouvelle fenêtre ouverte sur l’Univers en 2015 tient toutes ses promesses !
Lire aussi l'interview de Marie-Anne Bizouard dans CNRS Le Journal : Ondes gravitationnelles : 10 ans et pleines de promesses
Tester les lois fondamentales de la physique avec les ondes gravitationnelles

Le gain en sensibilité des détecteurs d’ondes gravitationnelles, patiemment grappillé au cours de ces dix années, a pris tout son sens récemment avec la découverte d'une fusion de trous noirs appelée GW250114 (les chiffres indiquent la date à laquelle le signal d'onde gravitationnelle est arrivé sur Terre : le 14 janvier 2025). Cet événement est très similaire à la toute première détection (appelée GW150914 : le 14 septembre 2015) : toutes deux impliquent la collision de trous noirs situés à environ 1 milliard d'années-lumière et dont la masse était comprise entre 30 et 40 fois celle de notre Soleil. Mais, grâce à 10 ans de progrès technologiques qui ont permis d’améliorer la sensibilité des détecteurs, le signal GW250114 est nettement plus clair dans les données.
« Nous pouvons l'entendre haut et fort, ce qui nous permet de l’utiliser pour tester les lois fondamentales de la physique », explique Katerina Chatziioannou, professeure de physique à Caltech et membre de la collaboration LIGO, et principale autrice de l’étude sur GW250114 nouvellement parue dans Physical Review Letters.
En analysant les fréquences des ondes gravitationnelles émises par la fusion, la collaboration LVK a pu fournir la meilleure preuve observationnelle jamais obtenue à ce jour pour ce que l'on appelle le « théorème de l'aire des trous noirs », une idée avancée par Stephen Hawking en 1971 selon laquelle la surface totale des trous noirs ne peut pas diminuer au cours du temps. Lorsque des trous noirs fusionnent, leurs masses se combinent, augmentant ainsi leur surface. Mais ils perdent également de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles pendant le phénomène. De plus, la fusion peut entraîner une augmentation de la rotation du trou noir combiné, ce qui réduit sa surface. Le théorème de l'aire des trous noirs stipule que, malgré ces facteurs contradictoires, la surface totale doit augmenter.
Plus tard, Hawking et le physicien Jacob Bekenstein ont démontré que la surface d'un trou noir est proportionnelle à son entropie, ou degré de désordre. Ces découvertes ont ouvert la voie à des travaux révolutionnaires dans le domaine de la gravité quantique, qui tente de réunir les deux piliers de la physique moderne : la relativité générale qui gouverne « l’infiniment grand » et la physique quantique qui règne sur « l’infiniment petit ».
En substance, la détection de GW250114 (réalisée uniquement par LIGO, Virgo étant malheureusement en maintenance de routine hebdomadaire et KAGRA hors service pendant cette observation particulière) a permis à l'équipe « d'entendre » deux trous noirs grandir à mesure qu'ils fusionnaient en un seul, confirmant ainsi le théorème de Hawking. Les trous noirs initiaux avaient une superficie totale de 240 000 kilomètres carrés (environ la taille du Royaume-Uni), tandis que la superficie finale était d'environ 400 000 kilomètres carrés (presque la taille de la Suède), soit une augmentation évidente. Il s'agit du deuxième test du théorème sur la surface des trous noirs ; un premier test avait été réalisé en 2021 à partir des données du premier signal GW150914, mais comme ces données n'étaient pas aussi nettes, les résultats avaient un niveau de confiance de 95 %, contre 99,999 % pour les nouvelles données.
Kip Thorne se souvient que Hawking l'avait appelé pour lui demander si LIGO serait en mesure de tester son théorème immédiatement après avoir appris la détection des ondes gravitationnelles en 2015. Mais Hawking est décédé en 2018 et n'a malheureusement pas vécu assez longtemps pour voir sa théorie vérifiée par l'observation. « Si Hawking était encore en vie, il se serait réjoui de voir la surface des trous noirs fusionnés augmenter », déclare Thorne.
La partie la plus délicate de ce type d'analyse consiste à déterminer la surface finale du trou noir fusionné. Les surfaces des trous noirs avant la fusion peuvent être plus facilement déterminées lorsque les deux trous noirs tournent en spirale l'un autour de l'autre, perturbant l'espace-temps et produisant les ondes gravitationnelles détectées sur Terre. Mais, après la fusion des trous noirs, le signal n'est plus aussi clair. Au cours de cette phase de stabilisation (phase dite de ringdown), le trou noir final vibre et cette vibration s’atténue peu à peu, comme une cloche que l’on vient de frapper.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont pu mesurer avec précision les détails de la phase de ringdown, ce qui leur a permis de calculer la masse et la vitesse de rotation propre du trou noir final, puis de déterminer sa surface. Plus précisément, ils ont pu, pour la première fois, distinguer avec certitude deux modes distincts d'ondes gravitationnelles dans la phase de ringdown. Ces modes sont similaires aux sons caractéristiques qu'émet une cloche lorsqu'on la frappe ; ils ont des fréquences assez similaires, mais s'éteignent à des vitesses différentes, ce qui les rend difficiles à identifier. Grâce à la meilleure qualité des données pour GW250114, l'équipe a pu extraire ces modes, démontrant que le ringdown du trou noir s'est produit exactement comme le prédisaient les modèles mathématiques.
Une autre étude du LVK, soumise le 10 septembre à Physical Review Letters, impose des limites sur l’amplitude d’un troisième « son » plus aigu (à plus haute fréquence donc) prévu dans le signal GW250114, et mène à bien certains des tests les plus rigoureux à ce jour sur la précision de la relativité générale dans la description des fusions de trous noirs.
L’espoir de réaliser une nouvelle observation multi-messagers
Les données des interféromètres sont analysées en temps réel par des logiciels dédiés à l’identification rapide de signaux d’ondes gravitationnelles potentiels. Ceux-ci sont soumis à une batterie de tests stricts pour vérifier leur qualité, évaluer la probabilité qu’ils proviennent bien du cosmos (par opposition à avoir une origine terrestre) et réaliser une première estimation de leurs caractéristiques. En quelques dizaines de minutes, les candidats sont rendus publics. Ces alertes sont émises par une équipe de scientifiques de la LVK qui se relaient plusieurs fois par jour pour assurer une astreinte 24h/24. C’est ensuite aux astronomes destinataires de ces messages de décider s’ils vont ou non balayer avec leurs télescopes tout ou partie de la région du ciel où devrait se trouver la source de chacun de ces signaux. L’espoir de réaliser une nouvelle observation multi-messagers (ondes gravitationnelles + rayonnement électromagnétique) comme GW170817 a pour l’instant toujours été déçu car les signaux détectés sont en très grande majorité des fusions de trous noirs qui ne devraient pas émettre de lumière. Mais c’est juste une question de temps : cette stratégie peut se révéler payante à n’importe quel moment et, sur le long terme, elle portera forcément ses fruits.
En plus des alertes rapides, les équipes LVK analysent pendant des mois toutes les données accumulées, à la fois pour vérifier et préciser les détections temps-réel, et aussi pour chercher des signaux supplémentaires qui peuvent avoir échappé aux recherches automatisées (rapides et donc forcément moins précises que des méthodes qui ont accès à toutes les informations disponibles, et plus gourmandes en temps de calcul). Ce sont les résultats de l’ensemble de ces analyses qui sont publiés en même temps qu’un nouveau lot de données et le catalogue de signaux d’ondes gravitationnelles associés – comme « GWTC-4.0 » fin août 2025.
Mise en œuvre des détecteurs d'ondes gravitationnelles
La détection d’ondes gravitationnelles nécessite des instruments sensibles et qui fonctionnent longtemps. Ces deux impératifs ne vont pas toujours de pair : il faut parfois arrêter un détecteur pour une période qui peut aller de plusieurs mois à un ou deux ans afin de l’améliorer de manière importante, pour qu’il puisse ensuite observer plus de signaux. C’est pour cela que depuis dix ans les détecteurs du réseau LVK alternent périodes de prise de données (appelées « runs » et numérotées chronologiquement de manière croissante : la troisième partie du 4ème run, « O4c », est actuellement en cours) et périodes d’arrêt. C’est ce que montre la frise ci-dessous et sur la page https://observing.docs.ligo.org/plan où le réseau LVK met chaque mois ses plans à jour. Les runs et les arrêts sont définis de manière globale, afin d’optimiser le retour scientifique du réseau LVK.

Virgo et les laboratoires français
L’IN2P3 est impliqué dans la collaboration européenne Virgo à travers dix de ses laboratoires et plateformes nationales : l’APC (Paris), le CC-IN2P3 (Lyon), le GANIL (Caen), IJCLab (Orsay), l’IPHC (Strasbourg), l’IP2I (Lyon), le L2IT (Toulouse), le LAPP (Annecy), le LMA (Lyon), le LPC Caen et Subatech (Nantes). Parmi les contributions techniques de l’institut au projet, on compte le développement des revêtements optiques des miroirs et des systèmes de métrologie optique, la conception et la réalisation du système d’acquisition des données et de contrôle, ou encore le développement du système de contrôle du vide et des chambres à vides de l’interféromètre. Par ailleurs, de nombreux scientifiques de l’IN2P3 participent à la mise en marche de l’interféromètre, à l’acquisition et à l’analyse des événements gravitationnels ainsi qu’à leur étude scientifique.
Outre les laboratoires IN2P3, plusieurs autres instituts français participent à cette aventure européenne, dont Artemis (Nice), l’ILM (Lyon), l’INSP (Paris), le Laboratoire Navier (Paris) et le LKB (Paris), l’institut Fresnel (Marseille), le LAUM (Le Mans).
L'exploitation de l’interféromètre Virgo est assurée par le consortium EGO (CNRS, INFN, Nikhef, FWO et FNRS). EGO a pour principal objectif d'assurer le fonctionnement de Virgo, sa maintenance, son exploitation et son évolution.