Vue aérienne de l'interféromètre Virgo
L'interferomètre doit encore subir une maintenance lourde et de nombreux réglages pour porter sa sensibilité au-delà de 60 Mpsec © EGO - VIRGO

Virgo reporte son entrée dans la campagne d’observation O4

Communiqué de presse

La collaboration Virgo a décidé de reporter l'entrée de l’interféromètre Virgo dans la prochaine campagne d'observation (O4), prévue pour le 24 mai, afin de terminer sa mise en service et augmenter encore sa sensibilité.

Depuis la fin de la campagne d'observation O3 en 2020, l'interféromètre Virgo a fait l'objet d'une jouvence majeure afin d'améliorer sa sensibilité pour la nouvelle campagne d'observation conjointe avec les interféromètres LIGO (Etats-Unis) et KAGRA (Japon). Cette mise à jour a nécessité plusieurs mois de travail à l'équipe pour rendre le détecteur à nouveau stable.

A ce jour, Virgo serait capable d'observer certains des événements déjà détectés lors des précédentes campagnes d'observation. Mais pour aller plus loin, une longue et intense chasse aux multiples sources de bruit, qui pourraient limiter la sensibilité de l'interféromètre, est encore nécessaire. En outre, de subtils problèmes techniques semblent ralentir le processus de montée en sensibilité. Ils concernent très probablement certains éléments optiques clés et l'instrumentation complexe qui entoure et contrôle les miroirs de l'interféromètre. Il est donc nécessaire d'effectuer une opération de maintenance extraordinaire visant à remplacer l’un des miroirs et nécessitant l'ouverture des grandes cloches à ultravide qui abritent les miroirs de l’interféromètre et les super-atténuateurs, des pendules inversés de plus de 10 mètres de haut qui amortissent les perturbations extérieures en maintenant les miroirs parfaitement immobiles. Il s'agit d'une opération complexe et délicate qui nécessitera plusieurs semaines de travail.

« Tant que nous n'aurons pas brisé le vide et ouvert les cloches à vide pour vérifier directement les composants de l'interféromètre, nous ne pourrons pas être sûrs à cent pour cent de la nature du problème, a déclaré Gianluca Gemme, récemment élu porte-parole de Virgo. Nous sommes convaincus qu'il est prioritaire d'atteindre la meilleure sensibilité de l'expérience afin d'exploiter au maximum son potentiel de découverte plutôt que de se lancer directement dans la prise de données. Nous avons donc décidé d'agir maintenant pour résoudre le problème technique qui ralentit la croissance de la sensibilité de l'interféromètre. Il s'agit d'opérations qui, outre les travaux que nous devrons effectuer, nécessitent du temps pour enlever puis rétablir les conditions d'ultravide. Ce n'est qu'après cette intervention que nous pourrons être plus précis sur le calendrier qui amènera Virgo à rejoindre la prise de données d'O4, qui durera 18 mois ».

Une fois les travaux de maintenance terminés, il faudra passer à la phase de test de l'ensemble du dispositif expérimental, qui poussera toutes les technologies de Virgo, des lasers aux systèmes optiques en passant par les équipements d'atténuation sismique, au-delà des limites atteintes jusqu'à présent.

« Pour donner une idée de la complexité du défi technologique posé par des instruments aussi puissants et sophistiqués que Virgo, explique Fiodor Sorrentino, coordinateur de la mise en service de Virgo, il suffit de savoir que l'un des bruits qui nous gêne et que nous devons supprimer est probablement dû à un aimant de quelques dixièmes de gramme utilisé pour contrôler la position des miroirs et qui est secoué d’oscillations infinitésimales de l'ordre d'un millionième de millionième de mètre. Le recul produit sur les miroirs de 40 kg est cent mille fois plus faible, mais néanmoins suffisant pour limiter la sensibilité de Virgo, qui est capable de mesurer des variations de longueur de ses bras bien inférieures à la taille d'un proton ».

Au cours des prochains mois, les scientifiques de la collaboration Virgo seront engagés à la fois dans les activités techniques de l'expérience et dans le travail scientifique de traitement et d'analyse des nouvelles données provenant des deux détecteurs LIGO.

Le détecteur KAGRA, au Japon, a atteint la sensibilité minimale prévue de 1 Mpc pour le début de l'expérience O4. Après un mois d'observation, KAGRA reprendra ses opérations de mise en service pour améliorer sa sensibilité vers la fin de O4.

Sensibilité

Le paramètre standard utilisé pour décrire la sensibilité atteinte par les interféromètres gravitationnels (la portée BNS) est la distance à laquelle les instruments peuvent détecter la collision de deux étoiles à neutrons (bien sûr, des événements plus violents ou plus massifs, tels que les collisions de trous noirs, sont également détectables depuis des parties beaucoup plus profondes de l'Univers).

Actuellement, Virgo peut détecter une fusion "standard" d'étoiles à neutrons à une distance de 30 mégaparsecs (Mpc), soit environ 100 millions d'années-lumière, de la Terre. L'objectif de la collaboration scientifique est toutefois d'atteindre une sensibilité supérieure à 60 Mpc dans les mois à venir.

Mise à niveau et mise en service de Virgo

Après la conclusion de la troisième série d'observations en 2020, tous les détecteurs de la collaboration LVK ont procédé à une série d'ajouts et de mises à niveau technologiques importants afin d'accroître la sensibilité des instruments et, par conséquent, la portion de l'Univers qu'ils sont en mesure d'explorer. Virgo, en particulier, a fait l'objet d'améliorations significatives grâce à l'installation d'un laser plus puissant et d'un système de réduction du bruit quantique, mais surtout d'un nouveau miroir qui rend Virgo plus sensible aux hautes fréquences des ondes gravitationnelles. La phase de mise à niveau technologique est suivie d'une phase délicate, appelée mise en service, au cours de laquelle tous les nombreux composants de la machine sont "mis en communication", avec un système complexe de contrôles et de rétroactions, afin d'atteindre le point de fonctionnement optimal de l'interféromètre.

En savoir plus

Infographie interactive détaillant les améliorations apportées à Virgo au cours de la dernière jouvence : https://www.virgo-gw.eu/Laser/upgrade_1_F.html (en anglais)

À propos de Virgo

Virgo est un interféromètre laser doté de deux bras de trois kilomètres, conçu pour détecter les ondes gravitationnelles, des oscillations imperceptibles de l'espace-temps générées par des événements cosmiques violents, tels que la fusion de trous noirs et d'étoiles à neutrons. Pour détecter les ondes gravitationnelles, Virgo mesure la distance relative entre deux miroirs suspendus aux extrémités de ses bras, avec une précision inférieure à un millième du diamètre d'un proton (un millionième de milliardième de mètre). L'interféromètre fonctionne en détectant l'interférence de deux faisceaux laser qui se propagent le long des deux bras perpendiculaires de trois kilomètres dans des tubes à ultra-vide. Virgo est actuellement l'un des trois détecteurs d'ondes gravitationnelles les plus grands et les plus sensibles au monde, avec les deux interféromètres américains LIGO, avec lesquels il fonctionne conjointement depuis 2017.

La collaboration scientifique internationale de l'expérience implique 842 chercheurs de 115 institutions dans 15 pays. Virgo est installé à l'Observatoire gravitationnel européen (EGO), l'infrastructure de recherche financée par l'Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) italien, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français et, à partir de 2020, également par l'Institut national de physique subatomique (Nikhef) aux Pays-Bas.

Contact

Matteo Barsuglia
Responsable scientifique pour la France du projet Virgo
Frédérique Marion
Chercheuse au LAPP et porte-parole adjointe de la collaboration Virgo
Vincent Poireau
DAS Astroparticules et cosmologie
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3