L'équipe chargée du largage des lignes
Deux nouvelles lignes ont été installées par l'équipe du CPPM.Image CNRS/CPPM

KM3NeT capte ses premiers neutrinos avec six lignes

Physique des neutrinos

A l'issue d'une sortie en mer de trois jours le week-end du 25 janvier 2020, l'équipe KM3NeT du Centre de physique des particules de  Marseille (CPPM, CNRS/IN2P3 – Aix-Marseille Université), conduite par Paschal Coyle, responsable scientifique du projet, et Patrick Lamare, responsable technique, a mis à la mer deux nouvelles lignes de détection. Cette étape conclut la phase de démonstration de ce télescope à neutrinos géant implanté par  2450 m de fond au large de Toulon. Désormais, six lignes sont connectées et envoient leurs données vers le Centre de calcul de l’IN2P3. Les  premiers événements enregistrés montrent que l'instrument donne toute satisfaction.

Départ du port de Toulon
Départ de Toulon pour les deux sphères de mise à l'eau à bord du navire Castor. Image Paschal Coyle CNRS/CPPM

Samedi 25 janvier, toutes les conditions étaient enfin réunies pour se rendre à l'aplomb du site de déploiement du télescope sous-marin KM3NeT. La météo s'annonçait enfin clémente pour le week-end, les bateaux de Foselev et de la Comex étaient disponibles et les autorisations militaires validées. L'équipe du CPPM en charge du déploiement du télescope a donc embarqué avec les deux dernières lignes de la Phase 1 du projet sur le Castor, secondé par le Janus pour une traversée de quatre heures jusqu'au site de largage à 40 km de Toulon.

Tous les modules bobinés dans une sphère

Le calme de la traversée n'était pas de trop pour se mettre en condition pour le largage. Car dresser une ligne de 200 m de 18 modules optiques de détection dans le noir des abysses est loin d'être trivial. Tout d'abord, une énorme sphère est immergée et lentement descendue pendant deux heures sur le plancher méditerranéen, rejoignant ainsi les autres lignes déployées au cours de l’été 2019. Cette sphère contient tous les modules consciencieusement bobinés dedans et un socle massif qui maintiendra la ligne captive sur le fond. Un robot télécommandé depuis le navire voisin accompagne sa descente. C'est par son intermédiaire que les pilotes vont connecter les nouveaux capteurs au télescope.

Récupération d'une sphère de déploiement.
Après l'installation d'une ligne, sa sphère de déploiement remonte vide à la surface. Image Paschal Coyle CNRS/CPPM

Aussitôt la connexion établie et vérifiée par l'équipe à Terre, le robot débloque la sphère qui s'élève rapidement vers la surface en déroulant le câble et ses modules. C'est l'opération la plus délicate pendant laquelle tout le monde retient son souffle. Mais de mauvaise surprise il n'était pas question ce week-end et l’instrument s'est positionné sans encombres. Un nouveau test de connexion est rapidement venu rassurer tout le monde.

Premiers neutrinos détectés avec les six lignes

Preuve que désormais la manœuvre est bien rodée, la seconde ligne a été aussi déployée avec succès et dès lundi, les physiciens pouvaient capter leurs premiers événements avec six lignes opérationnelles. "Avec les six lignes, nous avons déjà capté des neutrinos atmosphériques" annonce Paschal Coyle, responsable scientifique de la Collaboration KM3NeT. Les neutrinos atmosphériques, ce sont les principales particules que le télescope sous-marin cherchera à détecter et à analyser. Ils sont produits par l’interaction entre des rayons cosmiques et les molécules de l'atmosphère. Ces neutrinos sont quasiment insaisissables par des détecteurs, mais la grande taille du télescope rend leur mise en évidence possible.

A terme, le télescope sur le site français de la Collaboration KM3NeT, dénommé ORCA, comptera 115 lignes. Il sera jumelé avec un second télescope, ARCA, de 230 autres lignes, déployé à 3450 m sous le niveau de la mer aux abords de la Sicile. Cet ensemble qui sera complètement déployé vers 2026 constituera alors le plus grand télescope à neutrinos du genre et sera capable de voir les neutrinos très énergétiques produits directement par les phénomènes cosmiques les plus violents de l'Univers. Mais il ne s'arrêtera pas là puisqu'en simultané ORCA sera équipé de capteurs multiples pour surveiller la vie marine, les conditions abyssales, la sismicité méditerranéenne, etc. En somme il constituera un télescope multifonction à la fois tourné vers l'infiniment grand, l'infiniment profond et l'infiniment petit.

Le CPPM est le laboratoire hôte du site français, en charge de la construction, l’exploitation et la maintenance du détecteur KM3NeT/ORCA. Quatre autres laboratoires de l’institut contribuent à la réalisation du projet : le laboratoire Astroparticules et cosmologie (APC – CNRS/IN2P3 – Université de Paris), Subatech (CNRS/IN2P3 – Université de Nantes – IMT Atlantique), l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS/IN2P3 – Université de Strasbourg), et le Laboratoire univers et particules de Montpellier (LUPM – CNRS/IN2P3 – Université de Montpellier).

Premiers événements captés avec les 6 lignes

Audiodescription

Dans cette vue 3D reconstituée, on observe les premières particules venues de la surface traverser le détecteur en y laissant leur trace de lumière. C'est cette lumière, invisible à l'oeil nud tant elle est ténue qui est captée par les détecteurs successif placés le long des lignes.

Vidéos des opérations

 

Mise à l'eau
Mise à l’eau d’une sphère de déploiement. Elle contient une ligne complète avec ses 18 modules de déploiement.
Arrivée de la sphère
Arrivée de la sphère de déploiement sur le fond marin.
video3
Déploiement de la ligne à l’aplomb de son ancre. Le robot déclenche le déverrouillage de la sphère qui s’élève, tirée par un flotteur.
Inspection
Inspection de la ligne déployée.

 

Contact

Clémence Epitalon
Chargée de communication