Une technique de la physique des particules permet de suivre l’évolution de tumeurs in-vivo

Applications biomédicales

Cette technique d'imagerie X à très faible dose a permis à des biologistes de suivre pendant plusieurs mois et sans effets secondaires l'évolution de tumeurs chez des souris. Une prouesse rendue possible par la collaboration des laboratoires de physique des particules (CPPM) et de biologie du développement (IBDM) de Marseille et publiée dans la revue iScience.

L’avènement d’une nouvelle génération de scanners à rayons X dits à comptage de photons, qui permettent de détecter les photons X indépendamment les uns des autres, constitue un puissant outil de diagnostic, même à faible dose, pour suivre la croissance tumorale et pour évaluer leur réponse à un traitement contre le cancer. Ces détecteurs exploitent une technologie dite à pixels hybrides développée à l’origine pour suivre les trajectoires de particules chargées dans les expériences du CERN qui ont permis la découverte du boson de Higgs.

Un prototype de scanner pour petits animaux utilisant une caméra à pixels hybrides développée au Centre de Physique des Particules de Marseille (CPPM) a permis aux biologistes de l’Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM) de suivre la croissance de tumeurs spontanées du foie dans une lignée de souris appelée Alb-R26Met pour lesquelles, malgré l’hétérogénéité de la dynamique d’apparition des tumeurs elles-mêmes, une courbe de croissance exponentielle de la taille des tumeurs a été observée avec un temps de doublement d’environ 15 jours pour toutes les tumeurs. Il a de plus été également possible d’observer la régression de ces tumeurs hépatiques en réponse à un traitement combiné des inhibiteurs MEK et BCL-XL, et de constater que celle-ci s’accompagne du recrutement de macrophages (des agents du système immunitaire) autour de la tumeur et qui absorbent un agent de contraste à base de nanoparticules de baryum.

Dans les faits, cet agent de contraste, l’ExiTron nano 12000, est absorbé, puis accumulé pendant plusieurs semaines par les macrophages résidant dans la rate et les macrophages du foie (cellules du Kupffer) sans qu’il représente toutefois une quelconque toxicité pour ce dernier, ce qui permet d’envisager des études par rayons X récurrentes pendant plusieurs semaines: le foie et la rate apparaissent contrastés en raison de la radio-opacité du baryum. Il est alors possible d’observer en trois dimensions des tumeurs du foie, qui apparaissent en négatif car les cellules cancéreuses n’absorbent pas l’agent de contraste, et de suivre leur croissance au cours du temps. C’est ici que la révolution du comptage de photon entre en jeux: les détecteurs à pixels hybrides opèrent sans bruit de mesure, ce qui leur permet de rester précis même à très bas flux de rayons X, donc à base dose. Chaque scan dure 7,5 min pour une dose absorbée par la souris de 180 mGy, ce qui rend possible la répétition d’une dizaine de scans sans effets notables sur les souris.

Le prototype de scanner à comptage de rayons X développé par les ingénieurs et les physiciens du CPPM s’est donc avéré un outil puissant pour accompagner les biologistes de l’IBDM dans l’étude et le développement de nouveaux agents thérapeutiques pour obtenir une réponse optimale au traitement contre le cancer. Ces travaux ont reçu le soutien du PIA France Life Imaging (FLI) et du Cancéropôle Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Application du système d'imagerie
© Christian Morel and Flavio Maina licensed under CC BY 4.0

Schéma illustrant l’application de ce nouveau système d’imagerie pour les petits animaux qui permet une analyse complète du corps de l’animal. Les animaux sont injectés avec un agent de contraste comme le Baryum. Les photons émis par les rayons X sont quantifiés par tomographie micro-calculée (PC-CT). Les données acquises peuvent ensuite être utilisées pour visualiser les organes avec des images (transversales, longitudinales, sagittales) qui pourront par la suite être utilisées pour une reconstruction 3D. Ce système PC-CT a été combiné avec un modèle murin qui récapitule la tumorigenèse des patients atteints de cancer du foie, pour visualiser les tumeurs au stade de leur formation et suivre leur évolution au cours du temps (jusqu’à 3 mois). Ce système PC-CT a aussi été utilisé pour étudier l’efficacité d’une nouvelle combinaison d’agents anticancéreux. Il a permis de démontrer l’efficacité de ce nouveau traitement, illustré d’une part par régression tumorale et remaniement de l’environnement tumoral (notamment le recrutement de macrophages).
 

 

En savoir plus

Tracking dynamics of spontaneous tumors in mice using Photon Counting Computed Tomography.

Cassol F, Portal L, Richelme S, Dupont M, Boursier Y, Arechederra M, Auphan-Anezin N, Chasson L, Laprie C, Fernandez S, Balasse L, Lamballe F, Dono R, Guillet B, Lawrence B, Morel C, Maina F.

iScience Cell press. 2019 Oct 9;21:68-83. doi: 10.1016/j.isci.2019.10.015.

Contact

Flavio Maina
Chercheur CNRS à l'Institut de biologie du développement de Marseille (IBDM) - (CNRS / Université Aix-Marseille)
Cristian Morel
Enseignant-chercheur au Centre de physique des particules de Marseille (CPPM) - (CNRS / Université Aix-Marseille)