Certains états excités du magnésium 24 montrent qu’il existe une voie privilégiée par laquelle des noyaux de carbone pourraient fusionner à l’intérieur des étoiles. Crédit : Y. Chiba

Une expérience sur le magnésium 24 bouscule les modèles d’astrophysique stellaire

Physique nucléaire Résultats scientifiques

Une collaboration iThemba LABS - Cape Town, STELLA- IPHC Strasbourg et Université de York, vient de caractériser expérimentalement les différentes configurations ou « états cluster », adoptés par les noyaux de magnésium lorsqu’ils sont exposés aux conditions dantesques du cœur des étoiles. Leurs résultats, publiés ce mois-ci dans Physical Review Letters, montrent que la réaction de fusion 12C-12C en 24Mg peut avoir une probabilité beaucoup plus forte qu’attendue de se produire.

Le travail de la collaboration est parti de calculs théoriques (type AMD), qui prédisaient que les 24 nucléons d’un noyau de magnésium pouvaient, dans des conditions d’excitation « stellaires », présenter des états cluster susceptibles de jouer un rôle clé dans les chaines de réaction nucléaires. Un premier état identifié, dans lequel le magnésium 24 se répartirait en deux lobes de 12 nucléons très semblables à 2 noyaux de carbone 12 (schémas (e) et (f) dans la figure ci-dessous), montrerait l’existence d’une voie privilégiée par laquelle le carbone 12 pourrait fusionner en magnésium 24. Le second, dans lequel le noyau se déforme en un noyau de néon 20 d'un côté et un petit lobe de 4 nucléons de l'autre, (schémas (c) et (d) de la figure), montrerait que cette configuration du magnésium aurait une tendance plus grande à se désintégrer en émettant une particule alpha.

Simulation des états cluster de magnsium 24
Modélisation de différents états clusters que le magnésium peut adopter aux énergies stellaires. L’état cluster (e) et (f) à 2 lobes identiques serait une voie privilégiée/résonante par laquelle la fusion du carbone 12 pourrait se produire. Les états cluster (c) et (d) sont précurseurs d’une désintégration alpha. Crédit :  Y. Chiba

 

Un accord remarquable avec les calculs théoriques

Ces modélisations ont été testées par la collaboration à l’occasion d’une expérience menée au laboratoire IThemba près de la ville du Cap en Afrique du sud, où un faisceau d’alphas de 200 MeV a été utilisé pour porter les noyaux de magnésium 24 d’une cible jusqu’à un état d’excitation comparable à celui attendu dans des conditions astrophysiques (étoiles massives, supernovae de type 1a, sursauts des systèmes X binaires). Le spin, l’énergie ainsi que la probabilité de désintégration des différents états cluster du 24Mg ont ainsi été obtenus par des mesures de coïncidence 24Mg(α, α')24Mg utilisant le spectromètre K600 et le dispositif CAKE de l’installation. Les états cluster identifiés à l’issue de l’expérience sont proches du seuil 12C-12C et dans un remarquable accord avec les calculs théoriques prédisant les états cluster C-C et cluster-α dans le 24Mg. Forte de ces résultats, la collaboration a pu démontrer que l’existence de ces états cluster peut changer les taux de réaction jusqu'à un ordre de grandeur comparé à ce qui était communément admis, avec à la clé d'énormes conséquences sur la modélisation stellaire.

Lien vers la publication : https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.129.102701

Pour en savoir plus :

Contact

Marcella Grasso
Directrice adjointe scientifique "Physique nucléaire et applications" (IN2P3)
Marcel Heine
Chercheur CNRS à l'Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC)
Sandrine Courtin
Professeure à l'Université de Strasbourg et directrice de l'Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC)
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3