L’observatoire CTAO fournit de nouveaux indices sur l’origine du sursaut gamma le plus brillant jamais détecté
Les nouvelles données sur le sursaut gamma « GRB 221009A », observé en octobre 2022, confirment les modèles théoriques selon lesquels ces sursauts d’ondes électromagnétiques d’une intensité exceptionnelle génèrent des jets structurés et multicouches dans lesquels les particules sont accélérées.
La collaboration internationale CTAO-LST apporte de nouvelles données sur « GRB 221009A », le sursaut gamma le plus brillant jamais enregistré. Les résultats ont été publiés le 23 juillet 2025 dans la revue « The Astrophysical Journal Letters » (ApJ Letters). La publication présente des observations approfondies menées en 2022 avec le prototype du télescope de grande taille (LST), le LST-1, pendant sa phase de mise en service à l'observatoire Roque de los Muchachos sur le site CTAO-Nord de l’île espagnole de La Palma. Les observations ont révélé un excès dans le flux de rayons gamma, ce qui permet de mieux comprendre la nature énigmatique et complexe des sursauts gamma à très haute énergie. Les résultats confirment les modèles théoriques selon lesquels ces sursauts génèrent des jets structurés et multicouches dans lesquels les particules sont accélérées.
Un long sursaut gamma extrêmement brillant
Les sursauts gamma comptent parmi les phénomènes les plus puissants de l'Univers, libérant en quelques secondes une quantité d'énergie équivalente à celle que le soleil émet pendant toute sa durée de vie. Comme leur nom l'indique, ils brillent intensément au cours d'une phase brève et rapide, qui dure de quelques secondes à quelques minutes, et sont suivis d'une rémanence qui peut s'estomper durant des heures, voire des mois. Les sursauts gamma sont classés comme courts ou longs en fonction de la durée de l'éclat : les sursauts gamma longs seraient liés à des supernovæ exceptionnellement brillantes, tandis que les sursauts gamma courts résulteraient de collisions d'étoiles à neutrons. Malgré leur intense luminosité, ces sources extragalactiques sont difficiles à détecter aux énergies les plus élevées, car les rayons gamma qu'elles émettent s'affaiblissent sur les vastes distances qu'elles parcourent, ainsi qu'en raison de leur nature transitoire.
Le 9 octobre 2022, des observatoires spatiaux, tels que les satellites Fermi et Swift de la NASA, ont détecté un long sursaut gamma extrêmement brillant, baptisé GRB 221009A. Surnommé « BOAT » (« Brightest Of All Time »), le sursaut était si intense qu'il a saturé les multiples instruments qui l'observaient et a déclenché des observations de suivi dans le monde entier.
Des limites supérieures très contraignantes sur le flux de rayons gamma de très haute énergie
Le télescope LST-1 a commencé à observer l'événement seulement 1,33 jour après l'explosion initiale. S'étalant sur plus de 20 jours après l'apparition du sursauts gamma, les observations du LST-1 ont permis à la Collaboration LST d'identifier un excès de rayons gamma. Bien que cet excès n'ait pas atteint le seuil requis dans le domaine pour prétendre à une détection formelle, il a permis à l'équipe d'établir des limites supérieures très contraignantes sur le flux de rayons gamma de très haute énergie émis par la source. Ces résultats marquent donc une étape importante dans le démêlage des modèles théoriques concurrents.
On pense que les sursauts gamma impliquent des jets de plasma ultra-rapides éjectés soit d'un trou noir, soit de la fusion d'étoiles à neutrons. Cependant, le processus exact de formation des jets reste un grand mystère. Les données de LST-1 confirment la théorie selon laquelle le sursaut gamma 221009A était alimenté par un jet complexe et structuré : un noyau étroit et ultrarapide entouré d'une gaine de matière plus large et plus lente. La validité de cette théorie, qui avait été mobilisée précédemment pour expliquer une émission issue de la coalescence d’étoiles à neutron, participe à réfuter la théorie du jet « en chapeau », plus simple et couramment utilisée dans les études antérieures, et offre de nouvelles perspectives sur les mécanismes de formation du jet et sur la nature du moteur central.
Des données enregistrées dans des conditions de lumière lunaire très brillante
Les données enregistrées comprennent notamment des observations effectuées dans des conditions de lumière lunaire très brillante, ce qui représente un défi important pour les télescopes Cherenkov en raison de la sensibilité de leurs caméras. La pleine Lune dans les heures qui ont suivi le sursaut a empêché un suivi rapide par d'autres télescopes Cherenkov, mais les solutions techniques développées par la collaboration LST ont permis au LST-1 d'être le premier à observer la source dans le régime des rayons gamma de très haute énergie. C'est la première fois que le LST-1 recueille des données dans des conditions aussi difficiles, ce qui ouvre de nouvelles possibilités d'observation des phénomènes cosmiques transitoires, même pendant les nuits où la Lune est très lumineuse.
Ces résultats démontrent la puissance des télescopes de nouvelle génération de l’observatoire CTAO pour explorer l'Univers à très haute énergie, ouvrant une nouvelle ère dans l’analyse du fonctionnement interne des sources cosmiques. Alors que l’observatoire CTAO continue de s'étendre - trois autres LST sont en cours de développement par la collaboration LST sur le même site et la construction commence sur le site CTAO-Sud au Chili - des réseaux de configuration intermédiaire seront bientôt opérationnels dans les deux hémisphères. Avec une sensibilité sans précédent, ces sous-ensembles de télescopes amélioreront déjà notre capacité à étudier les sursauts gamma et d'autres phénomènes extrêmes. En outre, le déploiement réussi des dispositifs de traitement des alertes permet des réponses automatiques, ce qui réduit encore les délais de suivi des événements transitoires.
À propos de CTAO
Le Cherenkov Telescope Array Observatory (CTAO) sera le premier observatoire terrestre ouvert de rayons gamma et l'instrument le plus grand et le plus sensible au monde pour l'exploration de l'Univers à haute énergie. La précision inégalée de CTAO et sa large gamme d'énergie (20 GeV - 300 TeV) fourniront de nouvelles informations sur les événements les plus extrêmes et les plus puissants du cosmos, et permettront de répondre à des questions relevant de l'astrophysique et d'autres domaines, autour de trois grands thèmes : Comprendre l'origine et le rôle des particules cosmiques relativistes, sonder les environnements extrêmes (tels que les trous noirs et les étoiles à neutrons) et explorer les frontières de la physique (telles que la nature de la matière noire). Pour ce faire, le CTAO dispose de deux sites d'observation : CTAO-Nord dans l'hémisphère nord à l'Observatoire Roque de los Muchachos de l'Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC) à La Palma (Espagne), et CTAO-Sud dans l'hémisphère sud près de l'Observatoire Paranal de l'Observatoire européen austral (ESO) dans le désert d'Atacama (Chili). Le siège est hébergé par l'Istituto Nazionale di Astrofisica (INAF) à Bologne (Italie), et le Science Data Management Centre (SDMC) est hébergé par le Deutsches Elektronen-Synchrotron (DESY) à Zeuthen (Allemagne). CTAO sera également le premier observatoire de ce type à être ouvert aux communautés scientifiques du monde entier en tant que ressource pour les données issues d'observations astronomiques uniques à haute énergie.
Le Conseil des représentants gouvernementaux (BGR) est le comité qui prépare la transition du statut juridique du CTAO. Il est composé de 12 pays et d'une organisation intergouvernementale : Allemagne, Australie, Autriche, Brésil, Espagne, France, Italie, Japon, Pologne, République tchèque, Slovénie et Suisse. Le Conseil de CTAO gGmbH est l'organe directeur de la société, il est composé d'actionnaires de 11 pays et d'une organisation intergouvernementale, ainsi que de membres associés de deux pays.
CTAO gGmbH travaille en étroite collaboration avec des partenaires du monde entier au développement de l'observatoire. Les principaux partenaires sont les équipes chargées des contributions techniques, telles que les équipes chargées du télescope et qui développent le matériel et les logiciels essentiels, ainsi que la collaboration scientifique, un groupe international de chercheurs qui fournissent des conseils depuis le début du projet.
CTAO a été promu au rang de "Landmark" sur la feuille de route 2018 du Forum européen sur les infrastructures de recherche (ESFRI) et a été classé comme la principale priorité parmi les nouvelles infrastructures au sol dans la feuille de route ASTRONET 2022-2035.
12 laboratoires CNRS impliqués
CNRS - IN2P3 : le laboratoire Astroparticule et cosmologie (APC, Paris), le Centre de physique des particules de Marseille (CPPM, Marseille), le laboratoire de physique des 2 infinis Irène Joliot Curie (IJCLab, Orsay), le Laboratoire d'Annecy de physique des particules (LAPP, Annecy), le Laboratoire Leprince Ringuet (LLR, Palaiseau), le Laboratoire des 2 infinis Bordeaux (LP2I Bordeaux), le Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (LPNHE, Paris), le Laboratoire Univers et particules de Montpellier (LUPM, Montpellier).
CNRS - INSU : l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG, Grenoble), L'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP, Toulouse), le Laboratoire Univers et Théories (LUTH, Meudon), l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA, Nice).
La participation française à CTAO
Les personnels scientifiques et techniques français impliqués dans CTAO sont issus de laboratoires du CNRS (CNRS Nucléaire & Particules1 et CNRS Terre & Univers2 et de l’IRFU au CEA Paris-Saclay. Ils contribuent à de nombreux aspects de la mise en place de l’infrastructure et de son exploitation scientifique. Une part importante de la contribution porte sur les trois types de télescopes (sur la photo, de gauche à droite, SST, MST et LST) dont plusieurs dizaines d’exemplaires équiperont les deux réseaux de l’Observatoire, détectant la lumière Tcherenkov produite par l’interaction des rayons gamma dans l’atmosphère, entre 10 GeV et 100 TeV. Plus précisément, cette contribution française concerne : pour les LST, la conception des arches, les contrôleurs des caméras et la motorisation de la structure mécanique ; pour les MST, la conception, la construction et l’intégration de caméras à électronique rapide (NectarCAM) et la conception et la fourniture de miroirs ; pour les SST, la conception et l’intégration des télescopes. Les équipes françaises contribuent également au monitorage de la qualité de l’atmosphère par la construction d'un LIDAR sur le site Sud. Enfin, elles ont un rôle prépondérant dans le déploiement de la chaîne d’analyse des données des réseaux de télescopes et des outils d’analyse scientifique de la voute céleste pour les futurs utilisateurs de l’Observatoire.
- 1APC (CNRS / Université Paris Cité), CPPM (CNRS / AMU), ICJLab (CNRS / UPS), LAPP (CNRS / Université Savoie Mont Blanc), LLR (CNRS / École Polytechnique), LP2I (CNRS / Université de Bordeaux), LPNHE (CNRS / Sorbonne Université) et LUPM (CNRS / Université de Montpellier). Le CPPM et le LAPP, participent également à la collaboration LST.
- 2IPAG (CNRS / Université Grenoble Alpes), IRAP (CNRS / CNES / Université de Toulouse), LUTH (CNRS / Observatoire de Paris / Université Paris Cité) et OCA (CNRS / Observatoire de la côte d’Azur)
À propos de la collaboration CTAO-LST
Les télescopes de grande taille (LST) sont l'un des trois types de télescopes que l’observatoire CTA utilisera pour couvrir sa large gamme d'énergie allant de 20 GeV à 300 TeV. Lorsque les rayons gamma interagissent avec l'atmosphère terrestre, ils génèrent des cascades de particules qui produisent de la lumière Cherenkov. Comme les rayons gamma de faible énergie ne produisent que de faibles quantités de lumière Cherenkov, il faut des télescopes dotés d'une grande surface de collecte pour les détecter. Le LST, avec sa parabole de 23 mètres de diamètre, fournira à l’observatoire CTA une sensibilité exceptionnelle dans la gamme des basses énergies, soit entre 20 et 150 GeV.
Malgré leurs dimensions imposantes (45 mètres de haut pour 100 tonnes), chaque LST peut se repositionner en n'importe quel point du ciel en 20 secondes. Cette rapidité de repositionnement et le seuil de basse énergie des LST sont essentiels pour les études de l’observatoire CTA sur les transitoires galactiques, les noyaux actifs de galaxie à grand décalage et les sursauts gamma.
La collaboration CTAO LST est un contributeur en nature pour l’observatoire CTA, chargé de la construction des LST. La collaboration est composée de plus de 400 scientifiques et ingénieurs issus de 67 instituts différents répartis dans 11 pays : Allemagne, Brésil, Bulgarie, Croatie, Espagne, France, Italie, Japon, Pologne, République tchèque et Suisse. CNRS Nucléaire & Particules contribue aux travaux de la collaboration par le biais des laboratoires CPPM et LAPP.