One of the tunnels of the Virgo detector, in the tube on the left runs the laser, in the one on the right is part of the 'squeezing' cavity that cleans the light from quantum noise © Enrico Sacchetti
Les détecteurs LIGO, Virgo et KAGRA, disposent de bras "laser" de plusieurs kilomètres pour détecter les infimes déformations de l'espace temps provoquées par des phénomènes cosmiques. © Enrico Sacchetti

Les collaborations LIGO-Virgo-KAGRA détectent la fusion de trous noirs la plus massive jamais observée

Résultats scientifiques Astroparticules et cosmologie

Les ondes gravitationnelles émises par ces trous noirs massifs remettent en question les modèles astrophysiques actuels

La collaboration LIGO-Virgo-KAGRA (LVK) a annoncé la détection de la fusion des trous noirs les plus massifs jamais observés par ondes gravitationnelles, grâce aux observatoires LIGO Hanford et Livingston, financés par la National Science Foundation des États-Unis. La fusion a produit un trou noir final d'une masse 225 fois supérieure à celle de notre soleil. Le signal, appelé GW231123, a été observé lors de la quatrième campagne de prise de données du réseau LIGO-Virgo-KAGRA (O4), le 23 novembre 2023.

Les deux trous noirs qui ont fusionné faisaient respectivement près de 103 et 137 masses solaires. En plus de leurs masses élevées, ils sont également en rotation rapide, ce qui a rendu le signal d’onde gravitationnelle particulièrement difficile à interpréter et suggère que ces trous noirs aient un historique de formation complexe.

"La découverte d'un système aussi massif avec des trous noirs en rotation très rapides représente un défi pour nos techniques d'analyse, explique Ed Porter, chercheur au laboratoire parisien APC1  (CNRS / Université Paris Cité). Cela aura aussi un impact majeur sur les études théoriques des mécanismes de formation des trous noirs et sur la modélisation des formes d'ondes gravitationnelles, et ce pendant de nombreuses années. En effet, les modèles actuels d'évolution stellaire ne permettent pas d’expliquer l'existence de trous noirs aussi massifs, qui auraient pu se former à la suite de fusions antérieures de trous noirs plus légers."

Une centaine de fusions de trous noirs ont déjà été observées grâce aux ondes gravitationnelles. Jusqu'à présent, le système binaire le plus massif était la source du signal GW190521, avec une masse totale beaucoup plus faible de "seulement" 140 fois celle du soleil.

Sonder les frontières de l'astronomie des ondes gravitationnelles

La masse élevée et la rotation extrêmement rapide des trous noirs de GW231123 repoussent les limites des techniques de détection des ondes gravitationnelles et des modèles théoriques actuels. L'extraction d'informations précises à partir du signal a nécessité l'utilisation de modèles spécifiques, prenant en compte la dynamique complexe des trous noirs en rotation rapide.

"Cet événement pousse nos instruments et nos capacités d'analyse des données à la limite de ce qui est actuellement possible", explique Sophie Bini, chercheuse au Caltech (USA). "C'est un exemple frappant de tout ce que nous pouvons apprendre de l'astronomie des ondes gravitationnelles mais aussi de tout ce qu'il reste à découvrir".

Les détecteurs d'ondes gravitationnelles tels que LIGO aux États-Unis, Virgo en Italie et KAGRA au Japon sont conçus pour mesurer les infimes distorsions de l'espace-temps causées par des événements cosmiques violents tels que les fusions de trous noirs. La quatrième campagne d'observation a débuté en mai 2023 et les observations de la première moitié de la campagne (jusqu'en janvier 2024) seront publiées au cours de l'été 2025.

«La quatrième campagne d'observation LIGO-Virgo-KAGRA, la plus longue jamais réalisée et mettant en œuvre des détecteurs à la sensibilité accrue, apporte de nouveaux éléments inestimables pour notre compréhension de l'Univers, indique Viola Sordini, chercheuse à l'IP2I 2  (CNRS / Université Lyon 1) et porte-parole adjointe de la collaboration Virgo. Cette découverte passionnante inaugure une nouvelle vague de résultats que l'on va découvrir tout au long de l'été et qui va générer un flux continu de découvertes pour les deux prochaines années. Après publication des résultats, les données sont rendues publiques pour être exploitées par l'ensemble de la communauté scientifique et favoriser la science ouverte.»

Les résultats de l’étude du signal GW231123 sont présentés à l'occasion de la 24ème conférence internationale sur la relativité générale et la gravitation et la 16ème conférence Edoardo Amaldi sur les ondes gravitationnelles, qui se tiennent conjointement à Glasgow, au Royaume-Uni, du 14 au 18 juillet 2025.

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English version on EGO website

  • 1Astroparticule et cosmologie (CNRS / Université Paris Cité)
  • 2Institut de physique des 2 infinis de Lyon (CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1)

À propos de la collaboration LIGO-Virgo-KAGRA

LIGO est financé par la NSF et exploité par Caltech et MIT, qui ont conçu et réalisé le projet. Le soutien financier au projet américain Advanced LIGO a été assuré par la NSF, l'Allemagne (Max Planck Society), le Royaume-Uni (Science and Technology Facilities Council) et l'Australie (Australian Research Council) qui ont apporté des contributions significatives au projet. Plus de 1 600 scientifiques du monde entier participent à l'effort par l'intermédiaire de la collaboration scientifique LIGO, qui comprend la collaboration européenne GEO. La liste des autres partenaires est disponible à l'adresse suivante : https://my.ligo.org/census.php.

La collaboration Virgo est actuellement composée d'environ 1.000 membres issus de 175 institutions de 20 pays différents (principalement européens). The European Gravitational Observatory (EGO) héberge le détecteur Virgo près de Pise, en Italie, et est financé par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en France, l'institut national de physique nucléaire (INFN) en Italie, l'institut national de physique subatomique (Nikhef) aux Pays-Bas, la fondation pour la recherche en Flandre (FWO) et le fond belge pour la recherche scientifique (F.R.S.-FNRS). Une liste des groupes de collaboration Virgo peut être consultée à l'adresse suivante : https://www.virgo-gw.eu/about/scientific-collaboration. De plus amples informations sont disponibles sur le site internet de Virgo à l'adresse suivante : https://www.virgo-gw.eu.

KAGRA est un interféromètre laser d'une longueur de bras de 3 km situé à Kamioka,  dans la province de Gifu au Japon. Il est géré par l'institut de recherche sur les rayons cosmiques (ICRR) de l'Université de Tokyo; le projet est co-organisé par l'observatoire astronomique national du Japon (NAOJ) et l'organisation de recherche sur les accélérateurs de haute énergie (KEK). La collaboration KAGRA est composée de plus de 400 membres provenant de 128 instituts dans 17 pays/régions. Les informations de KAGRA destinées au grand public sont disponibles sur le site web https://gwcenter.icrr.u-tokyo.ac.jp/en. Les ressources destinées aux chercheurs sont accessibles à partir de ce lien http://gwwiki.icrr.u-tokyo.ac.jp/JGWwiki/KAGRA.

Contact

Nicolas Leroy
Directeur adjoint scientifique "Astroparticules et cosmologie"
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication CNRS Nucléaire & Particules