Le multidétecteur FAZIA éclaire d’un nouveau jour les collisions nucléaires

Physique nucléaire

Au GANIL une collaboration européenne (1) vient de terminer la toute première expérience avec le démonstrateur FAZIA. Un multidétecteur capable de donner une identification complète des noyaux qu’il détecte. Une prouesse mise à profit pour sonder le comportement « fluide » des nucléons dans les noyaux atomiques.

Le multidétecteur FAZIA jette un regard inédit sur les noyaux en distinguant quels isotopes sortent des collisions. Et cela change beaucoup de choses pour les physiciens nucléaires. Jusqu'ici INDRA était l'outil de référence au GANIL pour regarder les résultats de collisions entre un faisceau d'ions et une cible, mais ce détecteur qui officie depuis 1993, a une sérieuse limitation. Les multiples noyaux produits par chaque collision ne sont identifiés qu’en termes de nombre de protons contenus, Z. Autrement dit, INDRA ne voit que la charge et pas la masse, et il lui est impossible d'identifier les isotopes formés. Avec FAZIA, les chercheurs chaussent de nouvelles lunettes et distinguent avec précision la composition complète des noyaux (protons + neutrons) allant de l'hydrogène jusqu'aux isotopes du calcium (Z=20) voire du manganèse (Z=25).

FAZIA fonctionnera en tandem avec INDRA

Reste que pour l’heure, le démonstrateur FAZIA, est un ensemble de 12 modules qui ne couvre qu’un angle réduit autour des collisions. C’est pourquoi, il a été couplé avec INDRA, qui malgré ses limitations, à quant à lui l’énorme avantage de couvrir toutes les directions. C’est donc sous cette forme hybride que le démonstrateur FAZIA fait ses premières expériences. Et pour inaugurer ce nouvelle assemblage, la collaboration a choisi d’étudier finement la manière dont les nucléons se comportent et interagissent entre eux au cours de collisions.

 

Infographie INDRA FAZIA

 

En effet, il faut imaginer le noyau comme une gouttelette d’un fluide extrêmement dense (de l’ordre de 1017 kg/m³) dont les propriétés reflètent l’interaction nucléaire entre les nucléons. Les physiciens ont développé des modélisations de cette « goutte liquide » qui décrivent avec succès certaines propriétés macroscopiques des noyaux connus sur Terre, comme leur masse par exemple. Cependant ces modèles ne fonctionnent pas dans toutes les situations. On observe notamment une divergence dans des situations de pression ou de constitution hors normes comme dans des phases critiques de la vie des étoiles. Cette limite des modèles montre que le fluide nucléaire a encore des secrets à livrer.

Etudier le comportement du fluide nucléaire

La stratégie adoptée par l’équipe INDRA/FAZIA pour progresser dans la compréhension du fluide nucléaire est de provoquer et observer des collisions très spéciales entre isotopes de Nickel (Ni58/Ni58, Ni58/Ni64, Ni64/Ni58 et Ni64/Ni64). La collision a lieu à une énergie savamment dosée pour que le choc n’entraîne pas une dislocation brutale, mais au contraire laisse le temps aux noyaux d’interagir l’un avec l’autre. Ils échangent alors des nucléons avant de finalement se disloquer en de multiples fragments. « Il s’en forme suivant les conditions de 5 à 30 voire 40 parfois » précise John Frankland responsable des systèmes d'acquisition de données pour l'expérience. En provoquant cette fragmentation avec différents isotopes, donc avec plus ou moins de neutrons dans les noyaux de Nickel, les scientifiques pourront étudier les différences subtiles dans le comportement du fluide nucléaire directement liées à sa composition. Des différences d’une importance clé pour la compréhension, par exemple, des étoiles à neutrons.

Dans l’expérience qui vient de se terminer, les scientifiques utilisaient un démonstrateur de FAZIA composé de 12 modules de 80cm de long et 15kg chacun placés en aval de la cible pour recevoir les débris. A l’avenir, le projet est de créer un détecteur qui couvre l’ensemble des directions pour ne rater aucun débris. Mais pour cela il faudra parvenir à miniaturiser les composants. Un développement qui est encore en discussion actuellement.

 

(1) La collaboration FAZIA réunit des chercheurs de laboratoires français (Grand accélérateur national d’ions lourds, Laboratoire de Physique Corpusculaire de Caen, Institut de Physique Nucléaire d’Orsay, Subatech), italiens (INFN Firenze, Catania, Napoli, Padova, Bologna), polonais (Université Jagiellonian de Cracovie Université de Varsovie)

Contacts :

Emmanuel Jullien
Chargé de communication
emmanuel.jullien@in2p3.fr

 

Fanny Farget
DAS Nucléaire et Applications
fanny.farget@in2p3.fr

 

John Frankland
Chargé de recherche au GANIL
john.frankland@ganil.fr